Le marché de la robotique en France : état des lieux et perspectives de croissance

La robotique n’est plus une technologie de niche réservée aux usines automobiles. Elle s’étend désormais à tous les pans de l’économie française, de l’agriculture à la logistique, en passant par la santé, l’éducation ou encore la défense. Dans ce contexte, la France cherche à se positionner comme un acteur européen stratégique de cette révolution technologique. Mais qu’en est-il vraiment de la taille du marché français de la robotique, de sa dynamique actuelle et de ses perspectives de croissance ? Décryptage.
Un secteur fragmenté mais en expansion
Il n’existe pas de chiffre unique officiel sur le nombre d’entreprises spécialisées dans la robotique en France, mais les estimations croisées issues des clusters, fédérations et bases INSEE permettent de dresser un ordre de grandeur fiable.
Aujourd’hui, la filière robotique française regroupe entre 1 000 et 1 500 entités si l’on inclut :
•Les fabricants de robots industriels
•Les intégrateurs robotiques
•Les start-ups innovantes
•Les fournisseurs de composants, logiciels, capteurs et solutions IA
•Les centres de R&D et bureaux d’études
Ce tissu économique est largement composé de PME très spécialisées, réparties sur tout le territoire, avec une forte concentration en Occitanie (via Robotics Place), en Pays de la Loire (via Proxinnov), en Île-de-France, et dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Le marché global : entre recul ponctuel et perspectives solides
En 2023, selon une étude d’Evolis, le marché de la robotique industrielle en France a connu un recul de 18,4 %, après deux années de forte progression post-COVID. Cette contraction s’explique principalement par un ralentissement des investissements industriels, notamment dans l’automobile et la métallurgie, secteurs historiquement moteurs de l’automatisation.
Pour autant, les fondamentaux restent solides. Le marché français de la robotique (tous segments confondus) est estimé à 4,5 milliards d’euros en 2024, en croissance de 12 % par rapport à l’année précédente. Une dynamique soutenue par :
•L’essor des robots de service
•L’intégration croissante de la robotique dans les PME
•L’appui de politiques publiques orientées vers la réindustrialisation
Robotique industrielle : des leaders et une chaîne de valeur en mutation
La France compte plusieurs entreprises de référence dans le domaine de la robotique industrielle, à commencer par Staübli Robotics, Sepro Group, ou encore Siléane. Ces entreprises exportent leurs solutions à l’international, notamment dans l’usinage, l’assemblage, la palettisation ou la plasturgie.
Par ailleurs, la robotique collaborative ou cobotique connaît une forte dynamique. Des acteurs comme Isybot, MIP Robotics ou Niryo proposent des cobots pensés pour une intégration simplifiée dans les TPE-PME, à des coûts moindres et sans barrières de sécurité lourdes.
Selon les projections mondiales, le marché des cobots devrait passer de 0,3 milliard $ en 2017 à plus de 5 milliards $ en 2025, avec une croissance annuelle à deux chiffres.
Robotique de service : le nouvel eldorado
L’un des moteurs majeurs de la croissance du marché réside dans la robotique de service, qui regroupe :
•Les robots de logistique et d’entrepôt (AGV, AMR)
•Les robots médicaux et d’assistance
•Les robots agricoles
•Les robots éducatifs et de téléprésence
Des entreprises comme Exotec, qui conçoit des systèmes de robots autonomes pour les entrepôts, illustrent le potentiel de croissance. Exotec a levé plusieurs centaines de millions d’euros et fait partie des scale-ups les plus prometteuses du pays.
En robotique agricole, des entreprises comme Naïo Technologies (désherbage robotisé), AgreenCulture ou Vitirover misent sur l’autonomie, la précision et l’écologie pour répondre aux défis du monde agricole.
Humanoïdes et IA embarquée : une croissance encore naissante
Les robots humanoïdes font rêver, mais leur marché reste encore en phase exploratoire. Toutefois, des projets français ambitieux émergent, comme Enchanted Tools, une start-up créée par un ancien de SoftBank Robotics. L’objectif : concevoir des humanoïdes utiles, stables, dotés de personnalité, et prêts à interagir dans des environnements réels.
À l’échelle mondiale, le marché des robots humanoïdes était estimé à 2,4 milliards de dollars en 2023, et pourrait atteindre 66 milliards en 2032, selon Fortune Business Insights.
La clé de cette transformation ? L’intelligence artificielle embarquée, la reconnaissance vocale, la vision par ordinateur et la capacité à interagir dans des environnements non prévisibles. Ces technologies sont en pleine explosion, et de plus en plus accessibles aux développeurs français.
Clusters, pôles et réseaux : le rôle structurant des écosystèmes
La robotique française bénéficie de nombreux écosystèmes dynamiques :
•Robotics Place : cluster en Occitanie regroupant plus de 70 membres
•Proxinnov : centre technique à La Roche-sur-Yon, référence nationale pour l’intégration robotique
•GDR Robotique : réseau de 150 entreprises et 48 laboratoires de recherche
•Cap’tronic : programme d’accompagnement pour l’intégration de technologies avancées
Ces structures jouent un rôle clé pour le maillage territorial, la mutualisation des compétences et l’accompagnement des PME vers l’innovation.
Les freins à surmonter
Malgré sa croissance, le marché français de la robotique fait face à plusieurs défis :
•Coût d’investissement initial encore jugé élevé pour les PME
•Manque de compétences disponibles en robotique, IA, mécatronique
•Temps d’intégration et ROI parfois longs selon les secteurs
•Concurrence internationale féroce, notamment asiatique (Fanuc, Yaskawa, etc.)
Le développement de formations spécialisées, le soutien à l’industrialisation de la R&D et les incitations fiscales sont des leviers clés pour dépasser ces freins.
Une filière soutenue par l’État et l’Europe
La robotique est identifiée comme secteur stratégique par les autorités françaises :
•Le plan “France 2030” prévoit 800 millions d’euros d’investissements pour les “technologies d’avenir”, dont la robotique.
•Le programme Horizon Europe finance de nombreux projets robotiques collaboratifs à l’échelle continentale.
En parallèle, le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) et le Plan Robotique PME soutiennent financièrement l’équipement et l’innovation.
Une croissance durable et stratégique
Le marché de la robotique en France affiche une croissance structurelle, malgré les fluctuations conjoncturelles de certains segments comme l’automobile. La transition vers l’industrie 4.0, la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs, les enjeux écologiques, la demande de productivité et l’essor de l’intelligence artificielle convergent tous vers un même constat : la robotisation devient un levier incontournable de compétitivité.
Avec plus de 1 000 entreprises, des startups dynamiques, des clusters régionaux solides, et des perspectives de marché dans la santé, la logistique, l’agriculture ou encore les humanoïdes, la robotique française entre dans une nouvelle ère. Il reste à consolider cette trajectoire par la formation, la structuration industrielle et un soutien clair à l’échelle européenne.